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  • camillehaddad

Al Ula, vitrine politico-culturelle de l‘Arabie ?


Depuis le 9 octobre et jusqu’au 19 janvier 2020 se tient à l‘Institut du monde arabe, un lieu que j’affectionne tout particulièrement, une intéressante (et impressionnante) exposition consacrée à la vallée d’Al Ula, située dans le Nord-Est de l’Arabie saoudite (Hedjaz). Une déambulation visuellement très impressionnante en dépit de la curieuse construction du parcours et des financements manifestement pléthoriques de Riyad, MBS semblant prendre à bras le corps la nécessité de développer le tourisme en terre wahhabite.



Une exposition fastueuse à la hauteur de l’attrait patrimonial


Dès le rez-de-chaussée, le visiteur est immergé dans des paysages à couper le souffle, captés avec le talent habituel de Yann Arthus-Bertrand lorsqu’il s’intéresse aux espaces naturels. Trois écrans immenses et incurvés proposent un voyage dans cette Arabie heureuse qui ressemble tant à sa voisine jordanienne. On y voit des oasis fabuleux, des femmes épanouies aux cheveux libres, une lumière d’une délicatesse indescriptible, bref, on se croirait au paradis.


Les premières salles ne gâchent rien, partout des écrans géants, des films du même réalisateur qui vous font penser que vous seriez bien imbécile de vous priver d’un voyage au pays des Saoud, à seulement six heures de Paris. On présente avec des reconstitutions technologiques dernier-cri les 7 000 ans d’histoire des lieux, on vous invite ensuite à inhaler une reconstitution olfactive (très délicate et convaincante) des palmeraies naturelles. En somme, après avoir fait le tour du premier étage, je n’avais qu’une idée en tête : courir jusqu’à Djeddah.



Deuxième round, les choses se corsent


Après s’en être pris plein la vue et avoir compris comment les mystères de la géologie ont pu produire une telle magnificence, le visiteur emprunte de petits escaliers sombres et discrets qui le conduisent en mezzanine, et là, les ennuis commencent.


De toute évidence, les commissaires de l’exposition – la Française Laila Nehmé et le Saoudien Abdoulrahman al-Suhaibani- ont peiné à organiser leur pensée (ou à tomber d’accord). C’est là que je me suis égarée. En l’espace de quelques salles, on vous fait passer en revue la succession de trois royaumes préislamiques : Dadan (du VIIIe au Ve siècle av. J.-C.), Lihyân (du Ve au Ie siècle av. J.-C.) et nabatéen (du Ie siècle av. au début du IIe siècle ap. J.-C.). Si vous êtes expert de ces civilisations, tout vous semblera sans doute très limpide, mais pour un non-initié, c’est un véritable capharnaüm d’informations désordonnées. Tout ce que l’on y comprend, c’est qu’à l’exception des Nabatéens (qui ont aussi fondé Pétra), on ne sait pas grand-chose de ces peuples. Qu’importe, on peut apprécier quelques belles pièces telles que des statues colossales dadanites ou le squelette d’une femme nabatéenne.

Les choses s’aggravent encore lorsqu’après une rapide évocation de la conquête romaine, le découpage chronologique est subitement interrompu au profit de micro-pièces ordonnées par thèmes. Dans un espace très ramassé sont évoqués pêle-mêle la domestication du dromadaire qui permet le développement du commerce caravanier, puis l’avènement de l’Islam en 622 qui place Al Ula sur la route des pèlerins en provenance d’Egypte et de Syrie, enfin l’ère du chemin de fer triomphant dans le Hedjaz, le tout se concluant mystérieusement par la reproduction d’une pièce à vivre traditionnelle saoudienne où sont diffusés des portraits d’habitants du coin.


A la fin de la fin, le badaud s’entend dire que Hégra et ses tombeaux monumentaux situés au cœur de la vallée sont classés patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2008, le premier site d’Arabie à recevoir ce label. En somme, merci de vous y rendre et de renflouer les caisses d’un Etat dont l’or noir assure avec sans cesse moins de garantie une rente qu’il va bien falloir remplacer par quelque chose : pourquoi pas le tourisme ? J’en profite pour dire que si jusqu’à présent la monarchie accordait exclusivement des visas pour motifs religieux et professionnels, elle vient d’ouvrir des visas «loisirs » à quarante-neuf pays dont la France… un moyen de faire voir ses trésors en préparant l’après-pétrole.


Pour en savoir plus


Un passionnant décryptage du magasine Géo sur les conséquences potentielles de l'ouverture au tourisme:


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