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  • camillehaddad

La panthère des neiges

Dernière mise à jour : 12 déc. 2019

L'auteur de Bérézina et Sur les chemins noirs revient cette année avec un roman délicat et poétique La Panthère des neiges. Ce texte, entre récit de voyage et réflexion sur les excès de la société contemporaine a valu à Sylvain Tesson le Prix Renaudot 2019. Décryptage d'un succès.


Invitation au voyage


A l'origine de l'épopée, une invitation au voyage: Tesson est convié par son ami Vincent Munier, grand photographe animalier vosgien à l’accompagner dans ses longues heures d'affût. Seule vulgarité autorisée, le droit de respirer. Cet art est à rebours du remous permanent qui agite nos sociétés. Il tient de la patience et de l'humilité puisqu'il consiste à se poster dans un lieu par lequel les bêtes sont supposées passer, sans garantie de les voir surgir. La satisfaction émane de la patience, de l’attente, de l’espoir. Qu’importe le résultat.


Leur quête animalière les conduit sur les hauts plateaux du Tibet que les deux protagonistes connaissent bien, ils y poursuivent les rares spécimens survivants de panthères des neiges. Non seulement les descriptions paysagères sont d’une poésie renversante, digne des romantiques allemands du XIXe et du calme océanien des auteurs islandais tels que Jon Kalman Stefansson, mais l’évocation du silence et de la neige offre une perspective contemplative au plus proche de la nature.

Par chance, leur quête et leur patience sont récompensées, la panthère surgit à trois reprises ce qui donne à l’auteur l’occasion de rédiger un plaidoyer écologiste et au lecteur de l’accompagner dans cette grande traversée superbe et engagée :


« La dégradation du monde s’accompagnait d’une espérance frénétique en un avenir meilleur. Plus le réel se dégradait, plus retentissait les imprécations messianiques. Il y avait un lien proportionnel entre la dévastation du vivant et le double mouvement d’oubli du passé et de supplique à l’avenir. […] En bref, il fallait patienter, les lendemains chanteraient. C’était la même rengaine : « puisque ce monde est bousillé, ménageons nos issues de secours ! » hommes de science, hommes politiques et hommes de foi se pressaient au portillon des espérances. En revanche, pour conserver ce qui nous avait été remis, il n’y avait pas grand monde. » (p.144)



Tesson, les égarements, Tesson, la vanité


L’écrivain voyageur se laisse toutefois aller à certaines dérives qui méritent d’être soulignées. Le cynisme dont il fait preuve à propos de l’Islam est particulièrement déplacé alors même que les populations Ouïghours sont actuellement victimes d’une persécution systématique et institutionnalisée de la part du régime chinois. On trouve ainsi cette injuste assertion : « Je me conformais aux spiritualités où j’atterrissais. Qu’on me jette dans un village yazidi, je priais le soleil. Qu’on me propulse dans la plaine gangétique, je m’accordais à Krishna (« Vois d’un œil égal souffrance et plaisir »). Séjournant dans les monts d’Arrée, je rêvais de l’Ankou. Seul l’Islam n’avait pas prise, je n’avais pas de goût pour le droit pénal » (p. 150).


Enfin, Tesson ne peut dissimuler une certaine pédanterie dans l’écriture. Le lecteur oscille constamment entre tentation de céder au délice poétique et agacement face au snobisme. Plutôt que de chercher à s’en défendre, l’auteur avoue sa faiblesse : « Munier tristement :

-Mon rêve dans la vie aurait été d’être totalement invisible.

La plupart de mes semblables et moi le premier, voulaient le contraire : nous montrer. Aucune chance pour nous d’approcher une bête. » (p.51). Faute avouée étant à moitié pardonnée, on fait peu de cas de son amour de lui et, avec une certaine délectation, on tourne les pages.


Pour en savoir plus


Interview de Sylvain Tesson sur France culture par Olivia Gesbert le 25 octobre 2019




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